Ashland
L'idée est de prendre quelques jours à Ashland, 3 ou 4 tout au plus, le temps de se poser un peu, et de faire les plans pour la suite. Je loge chez mes clients, John et Stacey, avant de basculer chez Eric et Debra. Je crois qu'ils m'adoptent vite. Tous s'occupent de moi, et m'accordent de leur temps pour m'aider. C'est vraiment chouette...
Le temps passe, une réelle complicité s'installe avec Eric. Les jours défilent, je repousse chaque jour un peu le départ, et je me retrouve inclus dans l'emploi du temps. C'est toujours fascinant, quand le feeling est présent immédiatement, de se retrouver intégré dans le quotidien des gens... Je me sens plus qu'invité, je suis comme à la maison, et intègre la routine, en la bousculant d'un vent d'air frais...
Le temps passe, une réelle complicité s'installe avec Eric. Les jours défilent, je repousse chaque jour un peu le départ, et je me retrouve inclus dans l'emploi du temps. C'est toujours fascinant, quand le feeling est présent immédiatement, de se retrouver intégré dans le quotidien des gens... Je me sens plus qu'invité, je suis comme à la maison, et intègre la routine, en la bousculant d'un vent d'air frais...
J'en profite pour faire un peu de mécanique, Il ya encore des dégâts dûs à l’avion sur le vélo, je n’yavais pas prêté attention plus tôt mais ça s'est révélé en roulant... John, me file la main comme il touche autant que moi, à nous deux… on finit à l’atelier du bike shop qui n'est guère d'une grande aide... mais la magie des rencontres, la serviabilité des gens, et le bouche à oreilles s'occupent de placer les bonnes personnes au bon moment... Le vélo passe plusieurs fois entre les mains d'un bricoleur passionné qui a "plus de stock de pièces dans sa caverne que tous les magasins du coin réunis"... Bordélique dans l'espace, méticuleux et perfectionniste dans le travail, il m'explique patiemment chaque geste, s'arrêtant pour fouiller sa mémoire et chercher une référence culturelle en français. J'admire ces gens, à qui le silence et l'observation enseignent la philosophie de la vie à travers un savoir faire manuel et la façon dont il le mettent au service du voisinage... Autre rencontre,avec un pilote local, ça y est je suis en place, j'ai les infos, les contacts, l'accès au forum du club, mais les sites de vol ferment. La fumée des incendies bouche toute visibilité... Cloué au sol... Tant pis.
Eric fête ses 60 ans, je reste aider à organiser sa fête, et puis, dans le fond, je sens bien que le vieux rebelle n'est pas tout à fait préparé à franchir le cap, je sens que la présence de l'autre est aussi, à ce moment de l'existence de chacun, une précieuse inspiration. J'aimerai bien moi, à son âge, avoir sa curiosité, son ouverture, sa santé et son âme d'enfant. J'aide un peu comme je peux... Ramener le calme dans le stress des préparations ou dresser en 15minutes une belle table pour l'occasion, c'est des petits pas grands choses que j'ai appris au boulot au fil des années, et qui sont si naturels et infimes, mais qui semblent tant être appréciés...
On est invités à plusieurs fêtes dans le voisinage, et de là je me fais aussi inviter à 3 jours de camping rando dans le parc national Lassen Volcanic pas loin d'ici... Rando, baignade dans les lacs, feu de camp... la simplicité qu'on ne s'accorde jamais assez... |
Chaque jour à la maison, On prend le temps d'observer les animaux sauvages, le vol stationnaire ou géométrique des colibris sur la terrasse, les biches à chaque coin de rue, les oiseaux bleus, le passage furtif du renard dans le jardin, ou l'ours et ses 3 oursons qui glanent pommes et prunes dès la nuit tombée. Moi qui rêvais de voir l'ours, j'ai été servi un soir, à minuit, en allant tranquillement pisser près du pommier... Tiens, je n'avais jamais vu qu'il y avait un rocher dans ce coin du jardin... Arrrrgh à quelques mètres à peine, le rocher a relevé la tête...
Le temps ne compte pas tant, et puisqu'il file, je le prends. Chaque jour, chaque expérience aide à laisser mûrir ce qui doit évoluer intérieurement.
On va au yoga plusieurs fois par semaine, exercice intense dans un studio chauffé à 40 degrés. Poussé dans ses retranchements, le corps travaille, l'esprit lui, s'enfuit pour chercher plus profondément... L'ego ramasse, lui aussi, et ça lui fait pas mal... Faut voir les choses en face... J'ai la condition physique d'un poulet 1er prix... On enchaine les parties d'échec, le cerlcle de parole hebdomadaire, ou les soirées à écouter de la musique. On cuisine pas mal, on décline le miam ô fruits dans tous ses états, on enchaîne des tas d'expériences culinaires avec le nouveau barbecue high tech au top de la précision et de la maitrise, marinades, viande fumée, cuissons lentes…
Le temps ne compte pas tant, et puisqu'il file, je le prends. Chaque jour, chaque expérience aide à laisser mûrir ce qui doit évoluer intérieurement.
On va au yoga plusieurs fois par semaine, exercice intense dans un studio chauffé à 40 degrés. Poussé dans ses retranchements, le corps travaille, l'esprit lui, s'enfuit pour chercher plus profondément... L'ego ramasse, lui aussi, et ça lui fait pas mal... Faut voir les choses en face... J'ai la condition physique d'un poulet 1er prix... On enchaine les parties d'échec, le cerlcle de parole hebdomadaire, ou les soirées à écouter de la musique. On cuisine pas mal, on décline le miam ô fruits dans tous ses états, on enchaîne des tas d'expériences culinaires avec le nouveau barbecue high tech au top de la précision et de la maitrise, marinades, viande fumée, cuissons lentes…
Et puis, près d'ici, il y a aussi le Mont Shasta... Un volcan sacré pour les indiens, l'un des points telluriques les plus puissants de la planète, au même titre que les plus grands sites sacrés... Une montagne solitaire aux nombreux mystères, qui attire aussi bien les marginaux de toute lAmérique du nord, que les phénomènes aérologiques souvent spectaculaires.
Je m'y rends en stop, ça me rappelle ma grande aventure, à mes 20 ans, à travers l'hiver canadien... J'aime ces rencontres spontanées et éphémères, et j'aime rendre le contrôle de la situation à ce qui se présente. Ca apprend la patience, et le lâcher prise... Je ne sais pas où je vais exactement, je laisse les choses se faire, et chaque rencontre semble synchronisée. Je me retrouve aux sources de la rivière Sacramento, l'eau met 50 ans à descendre les pentes souterraines du volcan et à se révéler... Si chacune de nos pensées prenait aussi son temps, pour se décanter et se charger de ce qu'on peut lui transmettre de meilleur, je te raconte pas la beauté de ce qui jaillirait de nos paroles, ou de nos actes. Assis sur le muret, j'observe, je souris. Ca grouille d'une agitation très calme, chacun se presse pour venir remplir son gallon ou juste se rafraichir. Ici tout le monde est inconnu, mais chacun échange un regard, un sourire, un mot. C'est gratuit, mais çà, il semble que le monde moderne l'ait oublié.
Un cercle de parole s'improvise en bord de rivière, un à un, chacun verbalise ce qu'il veut extérioriser. Une parole, un chant, on écoute, on mange, on partage, on accueille et on respecte.
Mettre des mots sur une pensée, c'est lui donner vie, la densifier, la laisser apparaitre de manière plus concrète. Ca aide, à faire le tri, à structurer, à avancer, et ça libère de la place pour les nouvelles pensées...
Après quelques heures, le cercle se dissout aussi vite qu'il s'était formé. Je monte en stop les lacets jusqu'au départ du sentier vers le sommet. Je prends le temps de marcher un peu, profite du silence, de la vue, du ciel bleu pour la première fois en un mois. Je savoure l'instant, l'endroit, et m'arrête discuter près de la source. Source d'eau, source de vie, point de rencontre. Un groupe se forme au fil du passage, à nouveau on partage, on rigole, on écoute. Le temps a disparu, le jour s'en va, et j'en ai oublié qu'il me fallait rentrer... Une descente magique dans la benne d'un pick up berce cette fin de journée, et me voici à tendre le pouce, dans l'obscurité au bord de la highway. Ca ne marche pas, je suis à 50 km de la maison, je n'ai pas de quoi dormir, et ça commence à devenir vraiment excitant. J'aime l'ambiance nocturne des bords de route. C'est dans ces moments sans contrôle que le caractère se révèle. On ne peut pas se mentir, à quoi bon de toutes façons?... Dénué de tout, seul mais libre, il faut faire un choix. Je peux attendre sagement que ça se passe, mais parfois faut se lever et agiter un peu la situation quand même... je tente quelques approches aux stations services alentours au cas où, prêt à me résigner à passer la nuit à la fraîche et à la belle, dans les buissons et à me laisser porter par l'énergie de cette journée si jamais. Un mec accepte de me conduire "t'as frappé au bon endroit, je te dépose devant chez toi si tu veux". Cool, lui vit dans un ashram, pas loin d'Ashland. Il m'explique qu'il passe la moitié de son temps dans le spirituel, et l'autre moitié dans le monde actif, afin d'amener l'un dans l'autre. L'échange du retour est fascinant... enfin est ce seulement surprenant? comment une journée pareille aurait elle pu finir autrement?
3 semaines déjà... Et la sensation que le boulot est fait, que les changements et réflexions qui devaient s'opérer ont mûri...
C'est la rentrée des classes, les arbres commencent à jaunir, l'automne, en montagne apporte souvent les premiers flocons... 3 semaines de repos pour 2 semaines de vélo... il est grand temps de songer à reprendre la route vers de nouveaux horizons.
Un ticket de bus réservé retourne le sablier... J'apprécie les derniers instants qui s'écoulent. On n'arrête pas le cours du temps.
Debra me paye le restau pour le dernier soir, ils m'ont déjà tant offert en 3 semaines, et continuent pourtant à me remercier d'être là ... Peut être ma présence a t-elle une valeur inspirante aux yeux des autres que je n'arrive pas à estimer ou même à imaginer ? ...
Eric glisse dans mes affaires des provisions qu'il a pris plaisir à confectionner : fruits déshydratés et beef jerky, cette viande de boeuf marinée et séchée dont ils raffolent ici.
Il me remet aussi une enveloppe "pour les jours difficiles". C'est beaucoup. Trop même. Mais comment refuser?
C'est étrange, j'ai l'impression de re-quitter la maison, de vivre un autre départ, de laisser des choses derrière...
Je ressens l'émotion en moi et autour de moi, je repense à tout ce qu'on a vécu, partagé, à ce qu'on m'a donné la chance de vivre, à la confiance qu'on m'a accordé en me laissant entrer dans des moments privilégiés de la vie de chacun, en me laissant me joindre à des sphères privées, à la générosité débordante de mes hôtes. Tout ça, à un étranger, vagabond solitaire, sur la route, sans repère... Qu'est ce que l'un trouve dans l'autre? Il arrive parfois qu'une personne dégage la même vibration, alors, sans se soucier de se connaître, peut être qu'on se comprend, tout simplement.
Je songe à l'origine de tout çà...
Toute cette magie, pour un simple café
servi dans la bonne humeur...
un jour de routine, Il y a un an,
un jour de boulot ordinaire,
un jour de pluie froid et gris...
Je souris...
Et s'il suffisait ?
d'être pleinement soi même chaque jour...
pour déclencher, provoquer et attirer à soi les évènements de la vie?